C’est l’histoire de la route qui se mord la queue ou Notre première journée noire

Rédacteur : Anne

Date : 22-23/10/10

 

Cette journée commençait bien pourtant. Le soleil est au rendez-vous, nous sommes de bonne humeur, nous arrivons à ranger nos affaires avec une dextérité croissante, je prends des initiatives et les fameux singes magots sont ravis de venir nous faire une petite visite. Il y a des petites boules de poils partout dans les arbres autour de notre campement, qui secouent les arbres au grand damne des oiseaux tranquillement installés. Nous nous régalons.

Nous reprenons ensuite la route, direction Khénifra conformément à ce que nous indique la carte. Au bout de 8 km, nous arrivons à une intersection et prenons, là encore comme prévu, la route qui doit nous mener à Itzer et qui nous permet de rejoindre la RN13 en direction de notre prochaine étape : Midelt. Jusque-là tout va bien. Nous faisons un stop pour prendre de l’eau à priori directement à la source. Par mesure de précaution, nous pompons au Katadyn. Hadrien est aux anges, car c’est tout à fait dans ce genre de décor qu’il envisageait d’utiliser cet outil, bien plus que dans le lavabo d’une chambre d’hôtel. Nous continuons notre route, confiants, aucune intersection en vue, nous roulons. La route sur laquelle nous sommes est goudronnée et semble avoir été entretenue récemment. Ceci

nous conforte dans l’idée que nous sommes sur la bonne voie. Nous descendons beaucoup,

beaucoup. Nous arrivons finalement à un croisement où le conducteur d’un fourgon, nous indique la

direction d’Itzer à gauche. Nous prenons cette route qui cette fois descend violemment. Mon

compteur nous indique des pentes à 15%. Dans mon fort intérieur, je me dis que si nous nous

sommes plantés de route, il est absolument impossible qu’on fasse demi-tour.

Parce que nous sentons que quelque chose cloche, nous arrêtons une voiture de touristes français

pour qu’ils nous renseignent/rassurent. Ces derniers nous indiquent qu’ils viennent d’Ainleuh (étape

de notre nuit précédente à la scierie) et que les sources d’Oum er Rabia sont indiquées à 2 km. Nous

n’en croyons pas nos oreilles et nous ne voulons pas y croire. Hadrien est sur le point d’enguirlander

ce pauvre touriste qui n’y est finalement pour rien. Après un check GPS, nous constatons que nos

compatriotes ont raison, nous sommes près des sources. Nous reprenons nos montures, le moral

déjà bien attaqué et nous tombons de l’armoire lorsque nous constatons que nous sommes

exactement à l’endroit où nous avons pris de l’eau la veille avant de rejoindre les sources.

Notre monde s’écroule : jusqu’ici tout s’était passé impeccablement. Nous étions sûrs de notre

route, de notre matériel, du temps, de notre forme physique… Pour la première fois, tout ne va pas

comme on voudrait. Nous sommes de retour dans un endroit que nous avons moyennement

apprécié, dont nous savons que pour nous en éloigner, il faut beaucoup monter et faire des efforts et

que ce lieu est loin de notre destination. Dans la mesure où nous avons un rendez-vous à Midelt

samedi avant 18h, nous devons sortir de là au plus vite. Ce qui nous agace le plus à ce moment-là,

c’est que nous ne comprenons pas où nous avons pu rater l’embranchement de notre route.

Plusieurs solutions s’offrent tout de même à nous :

1) Un fourgon qui irait sur Itzer et qui pourrait nous faire monter ces pentes de mabouls en

camion

2) Retourner sur Azrou ou M’rirt et prendre un bus qui nous amènerait à Midelt.

C’est alors que reviennent à ma mémoire, les conseils des uns et des autres. « Vous avez un GPS au

moins ? Parce que c’est des petites routes et vous pouvez vous perdre !! – Oui, oui, pas de

problèmes ! » Quelle bande de prétentieux ! Les routes du Maroc sont plus fortes que toi !

 

 

 

 

Opération Katadyn à la source
Opération Katadyn à la source

Nous arrêtons un homme qui nous indique que peu de fourgons iront à Itzer et que le mieux serait de rejoindre Khénifra. Ce dernier arrête lui-même un fourgon et lui demande s’il pourrait nous emmener à Azrou en camion. Le conducteur nous demande une grosse somme et nous déclinons l’offre. Finalement, nous prenons la décision d’aller sur M’rirt à vélo et de prendre un bus pour Azrou puis pour Midelt. Nous remontons sur nos vélos mais le moral n’y est plus. Nous aurions pu être près de Midelt à l’heure qu’il est. Bref, nous avançons alors sur une piste (première expérience), nous sommes concentrés par la route et préférons presque la montée à la descente. Nous continuons à croiser des villages et des hordes de bambins réclamant des stylos et nous suivant sur plusieurs km. Au moment où l’un d’entre eux s’accroche à mon vélo, (en montée, pourquoi faut-il toujours qu’il y ait un village, des enfants et une montée en même temps ?), je craque et hurle !! Les gamins s’arrêtent net mais je m’en veux ! Je ne pense pas que leur action se veuille méchante ou mal intentionnée mais elle est usante psychologiquement surtout aujourd’hui, dans ce contexte. Nous ne sommes pas au bout de nos peines, car commence alors une ascension en lacets pour rejoindre M’rirt et quitter le « cirque » (zone enclavée dans des montagnes). Malgré les lacets, la pente est très dure, la piste ne s’améliore pas et les pierres nous font déraper. Après avoir essayé avec ce qui me reste de bonne volonté et de courage, je m’effondre ! Hadrien me rejoint et me propose une pause. Je tente de redémarrer mais sens que je ne serai pas en mesure de monter à vélo.

Aussi, Hadrien me propose à contrecoeur d’attendre qu’un fourgon nous emmène. Je me sens coupable. Finalement la camionnette bleue devient la sauveuse d’une heure. Nous embarquons les vélos dans le camion et faisons la connaissance d’un Berbère très sympa. En chemin, nous récupérons d’autres passagers. 10DHS par tête avec les vélos, je trouve ça honnête et regrette même

de ne pas avoir pris le parti de monter dans un camion plus tôt. Dans l’état de stress et de fatigue

morale dans laquelle nous nous trouvions, nous aurions pu nous blesser. C’est souvent dans ces

moments difficiles où précipitation et énervement se mêlent qu’on peut faire des bêtises.

Je suis assez contente de l’expérience et trouve que cette montée possède un certain charme, serrée

entre mon vélo et un vieux Berbère.

Retour à M'rirt dans la camionnette
Retour à M'rirt dans la camionnette

Nous arrivons finalement à M’rirt et nous dirigeons vers la gare routière en espérant trouver un bus pour Azrou. Les personnes de la gare routière ne parlent pas français et nous comprenons qu’un bus va venir. Nous attendons patiemment. Lorsque le bus arrive enfin, il est plein à craquer, et nous fait comprendre qui ni nos vélos ni nous-mêmes, ne sommes les bienvenus. Parce qu’on ne comprend pas un mot d’arabe et a fortiori, pas un mot de berbère, nous nous sentons un peu trompés. Mais nous ne perdons pas la foi et j’assure à Hadrien que nous serons au moins à Azrou ce soir. En attendant le prochain bus, nous essayons de faire du stop. On vous laisse imaginer, chargés comme des baudets avec deux vélos nous sommes les personnes privilégiées à prendre en stop. Nous nous mettons devant un endroit très passant en espérant qu’un pick up ou une fourgonnette acceptera de nous prendre. Nous préparons un petit panneau Azrou. Mais là encore il nous manque les codes. Deux policiers font la circulation et nous comprenons que le stop n’est pas une pratique courante, voire qu’elle peut être condamnable.

Un certain Mohammed vient à notre rencontre et nous baratine sur le fait qu’il connaît la France qu’il va nous aider, qu’Azrou n’est pas du tout par là et que si nous sommes vraiment dans la panade il peut nous héberger. Là encore est-ce du lard ou du cochon ?? Il nous conseille de retourner prendre le bus. Ce que nous faisons. Il nous fait la traduction et nous indique que le prochain bus pour Azrou passe à 19h30. Il est 18h30, nous disposons donc d’une heure pour tenter de trouver un pick up. Nous nous mettons sur la route d’Azrou et arrêtons les pick-up. Ces derniers nous demandent 300  HS pour faire le trajet. Nous avions envisagé de mettre 100 DHS max ! Je me renseigne auprès de la

police locale qui tente de négocier un transport pour nous (fantastique !) 300 DHS toujours. Alors nous repartons penauds à la gare routière. Mohammed est toujours avec nous. Nous lui indiquons que nous allons attendre le bus de toutes façons et le remercions pour son aide. Il nous donne son numéro en cas de problème et nous quitte. Nous nous sommes trompés sur lui, peut-être voulait-il vraiment nous aider ?

Le bus de 19h30 arrive enfin. Nouveau refus ! Pas de panique et pas d’énervement. Nous savons qu’il

doit encore y avoir deux autres bus, nous ne lâcherons pas ! Nous allons à la terrasse d’un café pour

prendre un thé en attendant. Nos vélos intriguent vraiment mais vraiment beaucoup des ados. Les

vieux à la terrasse de notre café les font dégager. Nous comprenons que les affaires qui sont sur nos

vélos les intéressent aussi et peu de temps après un gamin passe et tente de nous arracher un

paquet.

Finalement je retourne à la gare routière pour me renseigner sur l’horaire du prochain bus, quand

j’en vois débarquer un et entends l’annonceur crier Azrou-Fès. Sprint vers Hadrien, je demande à un

gars de nous garder 2 places. Quelques minutes plus tard, après le sauvetage de notre reflex, nous

voici dans le bus, nos vélos dans la soute et 60DHS pour tout ça ! Merci mon Dieu !! Ne jamais perdre

la foi, crouah !

Arrivée à Midelt
Arrivée à Midelt

Nous arrivons 1h plus tard à Azrou et avons une correspondance quasi-immédiate pour Midelt. Nous

embarquons nos vélos dans la soute en position debout (géniale) sans décharger nos bagages. Nous arrivons finalement à Midelt à 1h30 du matin. Ça s’est fait ! Reste à trouver un endroit où dormir.

Nous suivons notre Lonely préféré qui nous indique un hôtel. Un homme en sort et nous indique

que ce dernier est complet… Et là, on se trouve très cool ! Un gardien de parking nous rejoint et nous

indique un autre hôtel plus haut. C’est unhôtel archi miteux, je pense, le pire que nous ayons fait, mais il a le mérite d’être ouvert d’avoir de la place et d’être de plein pied de façon à ce que nous puissions rentrer nos vélos ! On prend et on se pieute !

Mais de cette aventure nous tirons de nombreuses leçons :

- Nous devons faire des points GPS plus souvent

- Nous avons eu de la chance de nous perdre dans un endroit que nous connaissions

- Il y a toujours une solution quand on a de quoi boire et de quoi manger

- Nous nous sommes globalement soutenus mutuellement (avait-on bien le choix, me diriez -vous ? Mais quand même, on était contents de le constater)

Ce matin, nous sommes à Midelt et sommes contents de notre sort. Après une toilette succincte afin

de ne pas arriver horriblement sales chez les frères, nous filons pour une opération ravitaillement/petit déj’. Nous retournons ensuite à l’hôtel récupérer nos affaires et allons sur internet. Hadrien s’occupe de nos vélos pendant que je prends les informations nécessaires. A mon retour, sa béquille est cassée et une vis coincée dans son guidon… Mon Mac Guyver a le moral dans les chaussettes ! Il file au cybercafé et moi je m’abrite de la pluie et tel un oignon frileux, me voici à superposer les couches (polaires, pantalon étanche, chaussettes et gants étanches, veste…). Hadrien retrouve le moral après l’appel tant attendu de ses parents.

Nous nous mettons finalement en route sous la pluie en direction du Monastère de ND de l’Atlas, notre graal de la semaine.

Nous y arrivons rapidement et trouvons un accueil extraordinaire. On dira ce qu’on voudra mais il est des lieux où l’on se sent chez soi et où l’on sent que le repos du corps et de l’esprit sera possible. Notre Dame de l’Atlas fait partie de ceux-là. Je suis heureuse d’être là… Le père José Luis nous propose un reste de couscous, nous sommes aux anges.

Nous aurons la possibilité d’aller à la messe demain, notre dernière messe remonte à notre départ ! Il

est temps de recharger les batteries !

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Commentaires: 3
  • #1

    Audrey (jeudi, 04 novembre 2010 09:59)

    Quelle aventure ! Je suis vraiment admirative...je ne suis pas certaine que j'aurai pu avoir le même sang froid !
    Ressourcez-vous bien à Notre Dame de l'Atlas,
    On pense fort à vous!
    Audrey

  • #2

    Antoine et mathilde (jeudi, 04 novembre 2010 22:08)

    superbes les photos du Maroc. Si le poste au national geo est toujours open alors je postule. Vous etes visiblement en forme et vos sourires colgate en disnet long sur la joie et l'envie qui vous animent.
    mathilde est accro et squatte le blog ts les jours.
    prenez soin de vous
    c'est ou le next stop apres le maroc?
    see u

  • #3

    Juicer Review (vendredi, 19 avril 2013 00:57)

    This is an excellent post! Thanks for sharing with us!

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- Rentrés le 27/11/12 à Paris!

- Hadrien a trouvé du travail et nous habitons à Annecy-le-Vieux.

- La page concernant les visas est à jour, de même que celle qui concerne les démarches à faire avant de partir.

- Les itinéraires par pays et général sont mis à jour

- A venir bientôt: Retour sur le matos et les démarches joyeuses du retour!

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